On n’imagine pas un seul instant inaugurer un collège Colbert aux Antilles ou en Guyane. Le fait qu’il y en ait en métropole ne laisse jamais indifférents les Antillais et Guyanais installés dans des villes de l’hexagone. Hypersensible à la question de l’esclavage et à celle du racisme de la couleur, la mémoire collective des sociétés post-esclavagistes peut, comme toutes les autres mémoires, se montrer plus complaisante ou plus indifférente lorsqu’il s’agit de persécutés dont elle se sent moins proche. En exergue d’un de ses ouvrages, la philosophe Magali Bessonne (Sans distinction de race ? Vrin, 2013) rappelait ces mot de Fanon : « C’est mon professeur de philosophie, d’origine antillaise, qui me le rappelait un jour « Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l’oreille, on parle de vous ». Et je pensais qu’il avait raison universellement, entendant par là que j’étais responsable, dans mon corps et dans mon âme du sort réservé à mon frère. Depuis lors, j’ai compris qu’il voulait dire : un antisémite est forcément négrophobe » (Franz Fanon, Peau noire, masques blancs, Le Seuil, 1952). Cette phrase de Fanon vaut pour l’antisémitisme. Dans le cas de Maurice Satineau, il s’agit surtout d’appât du gain et d’indifférence à l’humain chez un homme qui exploita les questions de racisme, qu’il s’agît de négrophobie ou d’antisémitisme, pourvu qu’elles allassent dans le sens de son intérêt électoral ou financier personnel.

Reproduction dans Le Mag-France-Antilles du 3 mars 2018 du courrier adressé par Maurice Satineau aux commissariat général aux questions juives le 24 avril 1942 (Archives nationales, MIC/AJ/38/3653, CGQJ, Direction de l’aryanisation économique (DAE), Région de Marseille)
Reproduction dans Le Mag-France-Antilles du 3 mars 2018 du courrier adressé par Maurice Satineau aux commissariat général aux questions juives le 24 avril 1942 (Archives nationales, MIC/AJ/38/3653, CGQJ, Direction de l’aryanisation économique (DAE), Région de Marseille)

 

Le nom « Maurice Satineau » fut ainsi attribué en 1979 au collège de la commune guadeloupéenne de Baie-Mahault en un temps où il incombait à l’État de prendre une décision à partir d’une demande locale, laquelle semble avoir été formulée par la municipalité alors en place à Baie-Mahault. Aujourd’hui, la décision dépend évidemment du Conseil départemental de la Guadeloupe.

Cette brève note au sujet de Maurice Satineau, député de la Guadeloupe (1936-1940/42) et sa relation au Commissariat général aux questions juives (CGQJ) de 1940 à 1944 reprend une étude de 80 pages parue en 2017 et qui s’y trouve référencée. Elle présente le lien de Maurice Satineau avec le Commissariat aux questions juives dans le cadre de la spoliation d’un commerçant marseillais, Julius De Vries, visé par la législation antisémite de Vichy et qui fut arrêté en 1942, interné puis déporté en 1943 à Maïdanek où il mourut assassiné à son arrivée.

Si Maurice Satineau peut être associé à la politique antisémite de Vichy, il fut également un escroc fiché par la Sûreté et condamné à ce titre en 1934 et 1938. Il ne fut pas le vainqueur de l’élection législative de 1936 au cours de laquelle il bénéficia d’environ 3000 voix frauduleuses. Son élection fut proclamée à la suite d’une manœuvre de circonstances, la Chambre étant alors focalisée sur une autre affaire de fraude de 13 voix concernant une personnalité plus connue à Paris : l’ex-préfet Jean Chiappe.

On ne peut pas dire aujourd’hui que la Guadeloupe découvre le cas de Maurice Satineau. Il a été largement explicité dans une conférence organisée par la Société d’histoire de la Guadeloupe et tenue le 5 mars 2018 aux Archives départementales, à Gourbeyre. Deux articles de vulgarisation ont par ailleurs été publiés à l’attention d’un public plus large par le Mag, supplément hebdomadaire de France-Antilles en date des 28 février et 3 mars 2018 sous les titres « Maurice Satineau, de la délinquance au Palais-Bourbon » et « La guerre de Maurice Satineau ». La lettre adressée par Maurice Satineau au Commissariat aux questions juives le 24 avril 1942 fut publiée en annexes de cet article de vulgarisation après l’avoir été dans l’étude parue en 2017. On ne saurait donc affirmer que personne en Guadeloupe n’est informé de cette affaire.

|Brève note sur Maurice Satineau député de la Guadeloupe et sa relation au Commissariat aux questions juives (CGQJ) – 1940-1944|

Brève note sur Maurice Satineau député de la Guadeloupe (1936-1940/42) et sa relation au Commissariat général aux questions juives (CGQJ) de 1940 à 1944[1]

 

Maurice Satineau est né à Baie-Mahault, Guadeloupe, le 18 septembre 1891. Il décède à Paris 6e, le 13 septembre 1960. Il fut proclamé élu député de la seconde circonscription de la Grande-Terre pour la législature 1936-1940, prolongée jusqu’en 1942 du fait de la guerre mais qui ne siégea réellement que jusqu’en 1940. Il fut également conseiller général, maire et homme fort de la commune de Sainte-Anne avant et après-guerre où il laissa davantage de traces mémorielles qu’à Baie-Mahault. Il fut conseiller de la République (sénateur), sous la Quatrième République.

En 1979, pour des raisons partisanes, en dépit de rumeurs, dont certaines étaient partiellement fausses, et en l’absence d’investigations archivistiques, on attribua, avec quelque légèreté le nom de « Maurice Satineau » au collège de Baie-Mahault (Guadeloupe). On cherchait alors des Guadeloupéens illustres pour nommer des édifices publics. Ce choix était d’autant plus risqué qu’aucune histoire utilisant un appareil critique n’avait abordé le cas de Maurice Satineau. Aujourd’hui, une documentation importante et un certain nombre d’archives permettent de documenter le problème posé à l’Éducation nationale, à la collectivité guadeloupéenne et à la République par une référence mémorielle douteuse. Parmi ces archives, il faut citer :

  • le dossier de Maurice Satineau aux Renseignements généraux (longtemps conservé au Centre des Archives contemporains – CAC – de Fontainebleau) ;
  • le mémoire en défense de Maurice Satineau devant le Jury d’honneur du Conseil d’État présidé en 1945-1947 par René Cassin et missionné pour examiner les recours administratifs des parlementaires frappés d’inéligibilité par l’ordonnance (CFLN, Alger, 21 avril 1944) sur l’organisation des pouvoirs à la libération (Archives nationales) ;
  • le dossier du Commissariat aux questions juives dirigé par Xavier Vallat puis Darquier dit « de Pellepoix », concernant la spoliation de la biscuiterie marseillaise de Julius De Vries, commerçant apatride originaire de la Sarre, installé en France au moment du rattachement au Reich, refusé à la naturalisation française, dénoncé en 1942, déporté et assassiné en 1943 (Archives nationales) ;
  • le dossier « Maurice Satineau » de la Sûreté générale, établi entre 1926 et 1935, emporté en 1940 par les nazis avec toutes les archives de la Sûreté emportées par les Soviétiques et restituées à la France par la Fédération de Russie en 1994-2001 (Archives nationales) ;

 

Ajoutés à d’autres sources, ces documents permettent d’établir que Satineau, à côté d’une carrière de militant à Paris, fut, entre autres :

  • un délinquant de droit commun, clairement fiché comme escroc par la Sûreté. Un certain nombre de pièces accablantes déterminent les différentes opérations d’escroquerie auxquelles il s’est livré : vente de cargaisons fantômes de bananes, vente au Dahomey (Bénin) de fausses actions dans le cadre d’une Société agricole et commerciale africaine (SACA) fondée par lui et qui fit faillite en 1931, etc. Ces escroqueries touchèrent Paris, la Guadeloupe, l’AOF, Madagascar ou l’Ouest de la France. Il fut condamné en 1934 dans l’affaire de la SACA, par la IIe chambre correctionnelle, à 18 mois de prison et 1.000 francs d’amende. L’appel lui permet plus tard, dans des conditions suspectes, de réduire la peine à une amende de 1.000 francs.
  • Un faux diplômé et sans doute un faux auteur. Une étude minutieuse du parcours de Maurice Satineau et des diplômes qu’il affirme avoir obtenus montre que ceux-ci n’existent pas davantage que les établissements supérieurs qu’il affirme avoir fréquentés. Il s’appuie sur des noms équivoques, proches de noms de diplômes existants. On peut même aller plus loin en avançant qu’il pourrait bien ne pas être l’auteur de l’ouvrage d’histoire (La Guadeloupe sous l’Ancien régime) qu’il signe en 1928 chez Payot. Cet ouvrage présente un certain nombre d’incohérences avec sa biographie année par année. Il contient des étrangetés aux dires de la critique, pourtant positive, de Lucien Fèbvre (co-fondateur avec Marc Bloch de la revue et de l’école historique des Annales). Le fait est que l’ouvrage vient très opportunément justifier la position morale et intellectuelle de Maurice Satineau à la tête de la brillante rédaction de la revue parisienne la Dépêche africaine.
  • un fraudeur indûment validé à la fonction de député en 1936. Les résultats de l’élection 1936 donnèrent à Roland René-Boisneuf la majorité des voix dans l’ensemble des communes de la seconde circonscription de Guadeloupe, à l’exception des quatre tenues par ses partisans appuyés par la bienveillance du gouverneur Louis Bouge et partant, par la force publique. Malgré le net avantage de son adversaire, et seulement grâce aux « résultats » des quatre communes acquises à son intérêt, Maurice Satineau disposa donc d’une manne douteuse de 3000 voix qui permirent de l’emporter. A Sainte-Anne, entièrement contrôlée par lui, l’historienne Eliane Sempaire (1984) montre que l’essentiel de la fraude reposa avant tout sur deux bureaux de vote[2].

 

Résultats proclamés des législatives de 1936 dans la seconde circonscription de la Guadeloupe Petit-Bourg Petit-Canal Baie-Mahault Sainte-Anne
Maurice Satineau

 

1 519

(99,9%)

903

(99,7%)

1 138

(92,8%)

2 024

(99,8%)

Roland René-Boisneuf 2

(0,1%)

3

(0,3%)

88

(7,2%)

4

(0,2%)

La validation de l’élection de Maurice Satineau s’explique par la focalisation de l’opinion française et des parlementaires sur la question des doutes sur l’élection en Corse de l’ancien préfet de police Jean Chiappe (démis de ses fonctions le 3 février 1934 par Édouard Daladier dans le contexte de l’affaire Stavisky), dont 13 voix étaient contestées comme acquises par fraude. Le 2 juillet 1936, les 3000 voix miraculeuses de Maurice Satineau furent donc validées en cinq minutes après une prise de parole du député Gratien Candace. L’hémicycle de la Chambre était quasi-vide et ne se remplit que pour la discussion sur les 13 voix douteuses de Jean Chiappe à Ajaccio.

  • Un « passeur de juifs ». Ce qualificatif péjoratif est appliqué aux trafiquants non-militants qui profitèrent de la situation des juifs confrontés aux nazis et aux lois raciales de Vichy. L’ensemble des pièces des Renseignements généraux mais aussi la façon dont Maurice Satineau élude la question dans son mémoire en défense témoignent du fait que la filière organisée par lui pour faire passer des familles tentant de fuir l’antisémitisme nazi puis celui de Vichy a surtout profité opportunément d’une occasion de gains pécuniaires en abusant les victimes sur l’existence d’une filière d’installation de juifs en Guadeloupe. Les sources dont on dispose sont des entretiens de la police avec Maurice Satineau, des notes et rapports le concernant ainsi que des transcriptions écrites d’écoutes téléphoniques policières. On consultera les travaux de l’historien Eric Jennings (Université de Toronto[3]) sur la question précise de la filière martiniquaise. La fausse filière guadeloupéenne est abordée de façon détaillée dans l’étude de 2017 dont est tiré cette note.
  • Un homme impliqué dans des activités clandestines, se disant « résistant » mais dont on ne peut citer aucun acte précis et dont le parcours suscite le doute. Dans son mémoire au Jury d’honneur, Maurice Satineau ne donne pas d’informations précises sur ses activités dans des réseaux de résistance et l’analyse des ses propres écrits montre qu’il ne fut ni un maquisard ni un libérateur de Paris et qu’il transforma a posteriori un certain nombre d’événements en actes de résistance. Il fut de toute évidence sollicité par Philippe Roques, secrétaire de Georges Mandel alors emprisonné. Véritable résistant, Roques fit dès novembre 1940 quelques appels du pied sans équivoque (et dangereux) auxquels Maurice Satineau ne donna jamais suite, préférant se consacrer à des trafics divers. Il se servit plus tard des lettres de Roques pour épaissir son dossier en défense. Roques, secrétaire de Mandel, assassiné, avait lui-même été abattu par ses gardes allemands en tentant de s’évader. Il était par conséquent opportun après-guerre de se dire de ses amis. Maurice Satineau fut arrêté en 1943 par des douaniers allemands (et non dans le cadre de la traque d’un réseau par la Gestapo) à la frontière espagnole, aux Forges d’Abel, alors qu’il tentait vraisemblablement de rejoindre la Guadeloupe via l’Espagne et le Maroc. Interné au fort du Hâ de Bordeaux (actuelle ENM), il ne semble pas avoir été un prisonnier important. On ne sait dans quelles conditions il fut libéré après quelques mois mais il déclara lui-même après-guerre, et de façon surprenante, avoir dû pointer lui-même régulièrement à la Gestapo de Marseille. Il n’y a pas de preuves de son implication dans une dénonciation mais un très fort doute subsiste quant à la nature de ses activités et sur les conditions de sa libération en novembre 1943. Maurice Satineau produisit pour le Jury d’honneur des certificats de participation à la libération de Paris mais l’ensemble des sources rédigées par ses soins tend à établir qu’il ne se battit pas, quoiqu’il semble avoir fait partie des badauds présents lors des combats. Son relèvement d’inéligibilité par le Jury d’honneur semble surtout lié au fait que les résistants du Béarn le connaissaient peu. Il ne les sollicita après-guerre pour des attestations que lorsqu’il eut échoué à prouver une activité résistante à Marseille où le Comité départemental de libération (CDL) ne le connaissait que par une fréquentation compromettante. Quelques appuis politiques à Paris purent aider à valider le reste, sachant que rien ne prouve la validité des certificats de résistance à Paris, lesquels semblent relever du faux ou de la complaisance. Il est par ailleurs possible que le relèvement de Maurice Satineau ait compensé l’inéligibilité du député Candace, qui avait lui-aussi voté les pleins pouvoirs le 10 juillet 1940. Il est au demeurant connu des historiens que ce vote du 10 juillet 1940 n’établit par un partage définitif entre collaborateurs, résistants et attentistes et que son seul intérêt ici est de permettre l’existence de sources sur l’activité de Maurice Satineau.
  • Un partenaire volontaire, consentant, complaisant et sans états d’âmes du Commissariat général aux questions juives installé à Paris par le gouvernement de Vichy et dont il sollicita les services centraux et la direction marseillaise, à propos au moins d’un dossier : celui de la biscuiterie De Vries. Conscient qu’il allait être victime d’une spoliation au titre de « l’aryanisation » des « biens juifs », Julius De Vries, apatride et juif d’origine allemande, fut abusé par un nommé Bret qui lui proposa de transférer les comptes de la biscuiterie sur les siens (en réalité ceux de son fils car Bret était fiché comme escroc et judiciairement interdit de gestion). Agissant en tant que conseil juridique d’une associée de De Vries qui craignait elle-même d’y perdre sa part et aux yeux de laquelle il semble être passé pour avocat, Maurice Satineau adressa le 24 avril 1942 un virulent courrier au Commissariat aux questions juives (CGQJ) : « […] Je viens d’apprendre, que sur des demandes faites au Bureau du Commissariat Général à Marseille, par MM. De VRIES et BRET, l’entrée en fonction de l’administrateur a été renvoyée à une date ultérieure, et cela pour permettre aux intéressés de falsifier leur comptabilité et d’écouler les stocks de marchandise qu’ils fabriquent journellement. Je crois devoir porter ces faits à votre connaissance, en vous priant de donner des instructions à vos bureaux de Marseille, pour que l’administrateur provisoire, exerce immédiatement ses fonctions […] ». Peu après cette lettre, Julius de Vries fut arrêté et interné aux Milles puis à Rivesaltes, qu’il quitta entre août et novembre 1942 pour Drancy. Il quitta ce camp avec près d’un millier de personnes par le convoi n°50 du 4 mars 1943. Son décès, daté du 11 mars 1943 laisse supposer qu’il fut assassiné dès son arrivée au camp de Lublin-Maïdanek, le moyen le plus probable étant les chambres à gaz qui y fonctionnèrent de l’automne 1942 à l’automne 1943. Rien ne prouve le lien entre le courrier de Maurice Satineau et l’arrestation mais des éléments montrent que la virulence de la lettre ne passe pas inaperçue aux yeux des administrateurs ultérieurs du CGQJ. Elle est parfaitement en cohérence avec la totale absence de scrupule ou d’empathie dont témoignent les agissements antérieurs de Maurice Satineau. Le député sollicita d’ailleurs Elizabeth de Vries avant même qu’elle connût le décès de son époux et lui demanda d’établir pour lui un témoignage de moralité. Des adversaires de Maurice Satineau, en particulier les communistes, exploitèrent en Guadeloupe cette affaire qui devint l’affaire de « l’or de la bijouterie De Vries-Jakob » sans qu’on sache d’où vient le patronyme Jakob et cette mention d’or si ce n’est d’un stéréotype. Il s’agissait bien d’une biscuiterie et non d’or. Le manque de rigueur quant aux faits mais aussi le contexte de guerre froide expliquent le peu de crédibilité de rumeurs émanant des communistes, adversaires politiques qui cherchaient à abattre politiquement Maurice Satineau. Rien ne démontre que Maurice Satineau ait pris pour lui l’argent des De Vries dont 81% furent transférés sur les comptes de Bret. On note en revanche que, libéré du Hâ en novembre 1943, Maurice Satineau reprit contact peu avant le 5 janvier 1944 à Marseille, avec le nouvel administrateur provisoire de la biscuiterie. Celui-ci le croyait encore avocat.

 

Il est donc établi aujourd’hui, qu’escroc notoire fiché par la police et condamné par la justice pénale, Maurice Satineau exerça son unique mandat de député grâce à la corruption et à la fraude, sans avoir été élu. Ses déboires judiciaires avaient été freinés par l’influence politique acquise, en particulier par son alliance avec le député Gratien Candace. Ses activités durant la période 1940-1945 furent plus que douteuses. Sa qualité de résistant ou de victime des nazis est d’autant plus douteuse et il ne donna pas suite à la véritable occasion qu’il eut de résister dès novembre 1940 au côté de Philippe Roques. Il organisa une filière d’évasion en raison d’un intérêt pécuniaire. Il s’adressa sans ménagement au Commissariat général aux questions juives en 1942 pour dénoncer la tentative d’un commerçant de mettre son bien à l’abri alors même que, sous la menace antisémite, ce commerçant aux abois était déjà victime des agissements d’un autre escroc. On ne peut par ailleurs avancer l’idée d’un revirement de Maurice Satineau avec son entrée dans la clandestinité en 1942-1943 puisque, dès sa libération, il regagna Marseille et y entretint de nouveau des liens avec le Commissariat général aux questions juives, liens encore attestés au début de 1944.

Il apparaît en conclusion, alors que le collège Maurice Satineau inauguré en 1979 à Baie-Mahault est susceptible de fêter ses quarante ans en 2019, que le nom de « Satineau » est associé à la politique antisémite de Vichy et à la complicité que cette autorité endossa dans la déportation et l’extermination d’hommes, de femmes et d’enfants. Par opportunisme et absence totale d’empathie, Maurice Satineau endossa une part de cette responsabilité.

 

Dominique Chathuant, 18 février 2019

 

[1] Note établie par Dominique Chathuant, agrégé, chercheur associé au CERHiC, EA 2616 (URCA-REIMS), membre de la Société d’histoire de la Guadeloupe, http://dchathuant.blog.free.fr/ à partir de l’étude « D’une République à l’autre : ascension et survie politique de Maurice Satineau (1891-1945)», Bulletin de la Société d’histoire de la Guadeloupe, n°178, septembre-décembre 2017, p. 9-85 ; précédée par une étude n’ayant pas intégré les archives du CGQJ et de la Sûreté générale : « Un résistant ? Maurice Satineau : un parlementaire colonial dans la tourmente (1940-1945)», Outre-mers, revue d’histoire, n°386-387, juin 2015, p. 130-144.

[2] Éliane Sempaire-Etienne, Sainte-Anne. 50 ans d’élections 1934-1984, 1999, Pointe-à-Pitre, Jasor, 1999, p. 50 sq.

[3] Eric T. Jennings, Escape From Vichy. The Refugee Exodus to the French Caribbean, Harvard University Press, 2018.

|Brève note sur Maurice Satineau député de la Guadeloupe et sa relation au Commissariat aux questions juives (CGQJ) – 1940-1944|