Un produit mondial emblématique des identités locales

 Les cartes à jouer constituent par excellence un produit universel : il n’est pas un pays où l’on ne trouve des joueurs rassemblés autour d’une table, que ce soit dans un café ou à la maison, faisant par excellence des jeux de cartes une activité ludique qui transcendent les générations et les milieux sociaux. De nos jours l’engouement pour les cartes ne se dément pas, comme le prouve notamment l’essor mondial du poker en liaison avec la pratique de ce jeu via internet.

Les jeux de cartes apparaissent en Europe dans le dernier quart du XIVe siècle. De nombreuses théories ont cherché à expliquer leur origine mais il semble désormais certain que les cartes soient nées en Orient. En effet les premières cartes à jouer, très différentes des nôtres, apparaissent en Chine au Xème siècle. Elles arrivent en Europe par le biais du monde arabe et plus particulièrement de l’Egypte, en même temps que les Tziganes…On retrouve en effet dans le jeu dit des Mameluks datant du XVe siècle les quatre couleurs des jeux espagnols avec trois figures qui constitue la transition entre les jeux orientaux et occidentaux. À noter qu’il continue d’exister de nos jours des jeux de cartes orientaux au Japon, au Vietnam ou en Inde.

Reproduction de quatre cartes du jeu des Mameluks

 

Depuis la fin du XIXe siècle les couleurs dites françaises (cœur, trèfle, carreau, pique) apparues au XVe siècle se sont imposées partout dans le monde, grâce notamment aux jeux anglais utilisés pour le bridge et le poker. L’origine de leur succès repose cependant avant tout sur leur simplicité qui a facilité leur fabrication : seulement deux couleurs utilisées et des symboles très simples ce qui permet le pochage.

Jeu français datant de 1890 réalisé selon la technique du pochage

Ce jeu représente le portrait traditionnel français, dérivé de l’ancien portrait de Paris, tel qu’il fut définitivement codifié en 1853 par l’administration fiscale française qui perçut une taxe sur les jeux de cartes jusqu’en 1945.

 

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Ainsi, la firme Cartamundi est devenue, avec un chiffre d’affaire de 152 millions d’euros dès 2011, le leader mondial du secteur, fort de ses 9 usines et de ses 14 succursales qui lui permettent d’être présent dans 50 pays en produisant 100 millions de cartes chaque mois.

 

Le groupe américain Jarden qui regroupe la firme américaine United States Playing Card Company et la firme espagnole Fournier fondée en 1868 à Vitoria-Gasteiz, au Pays basque, occuperait pour sa part 35% du marché mondial. Elle est particulièrement active sur le très important marché des casinos.

Parmi les cartiers locaux qui résistent encore à ce mécanisme de concentration de la production, on peut citer la firme autrichienne Piatnik, fondée en 1824, qui produit encore 25 millions de cartes chaque année.

On constate enfin la montée en puissance, dans ce domaine comme dans d’autres, de cartiers chinois produisant des cartes de piètres qualités, notamment des jeux érotiques.

A noter que toutes ces firmes ne se contentent pas de produire des jeux de cartes traditionnels mais se sont toutes diversifiées : elles ont par exemple fabriqué des cartes Pokemon ou Yu-Gi-Oh et sont présentes dans le secteur du jouet.

Le plus fameux exemple de cette diversification est sans doute la firme japonaise Nintendo : fondée en 1889 à Kyoto pour produire des cartes japonaises, les hanafudas, elle devient rapidement leader de la fabrication des cartes à jouer au Japon et se lance, avec le succès que l’on sait, dans les jeux vidéo au début des années 1970.

CONCLUSION

Les cartes à jouer sont donc bien un produit emblématique de la mondialisation actuelle et de ses limites.

Produit universel, il témoigne à la fois de la diversité du monde et de son histoire, mais aussi de son uniformisation en marche : les impératifs industriels comme un engouement croissant pour des jeux anglo-saxons tels que le poker ou le bridge poussent en effet peu à peu à ce que le portrait anglais devienne le portrait universel au risque à terme de briser les créativités locales.

BIBLIOGRAPHIE 

CRESTIN-BILLET (Frédérique), La folie des cartes à jouer, Flammarion, 2002, 377 p.

FRANCOIS (André), Histoire de la carte à jouer, Ivry, Serge Fréal, 1974, 355 p.

VERAME (Jean), Sublimes cartes à jouer, Le Félin, 2007, 256 p.

 

SOURCES NUMÉRIQUES 

Les sites Internet des firmes Cartamundi, Fournier, France Cartes, Nintendo et Piatnik.

ILLUSTRATIONS

Collection personnelle de François Portzer.