Contrôle d’histoire – Commentaire – Première
Lettre du soldat Marcel Papillon, qui vient de participer à des combats dans l’Est de la France en avril 1915.
« 3h du soir. Je suis avec Simon, Moreau et Savelly. Hier soir, nous avons dîné ensemble et pour le moment, nous buvons un verre ensemble mais on manque de tout, vin pain et tabac. Nous sommes au repos en attendant que l’on nous reforme. Nous n’avons plus d’officiers. Dans le bataillon, il nous reste un lieutenant et un sous-lieutenant. Nous avons passé une semaine terrible, c’est honteux, affreux ; c’est impossible de se faire une idée d’un pareil carnage. Jamais on ne pourra sortir d’un pareil enfer. Les morts couvrent le terrain. Boches et Français sont entassés les uns sur les autres, dans la boue. On marche dessus et dans l’eau jusqu’aux genoux. Nous avons attaqué 2 fois au Bois-le-Prêtre, au quart en réserve. Des centaines de batteries lourdes tonnaient ; des obus sans nombre se croisaient, hurlant et miaulant, au-dessus de nous. Tout était enveloppé d’une fumée épaisse, éclairée de lueurs funèbres par des fusées de couleur. Sous l’effet de violentes douleurs dans la tête et les oreilles, nous ne pouvions nous entendre qu’en braillant des mots sans suite. La faculté de penser logiquement et le sens de la pesanteur semblaient paralysés. On était en proie au sentiment de l’inéluctable et du nécessaire, comme devant la fureur des éléments. Un sous-officier de la troisième section devint fou furieux. A dix heures, ce carnaval d’enfer s’apaisa peu à peu et se changea en un feu roulant où, à vrai dire, on ne pouvait encore distinguer les coups les uns des autres. Nous avons gagné un peu de terrain – qui a été en entier arrosé de sang. Ceux qui veulent la guerre qu’ils viennent la faire, j’en ai plein le dos et je ne suis pas le seul. Savelly m’a prêté 5 francs, inutile de m’en envoyer pour le moment, vous ferez remettre ces 5 fr au père Savelly par Brisdoux. Dans la passe où nous sommes, la mort nous attend à tout moment. Donc inutile de rien m’envoyer. Je n’ai pas reçu de lettre de chez nous depuis le 25 mars. Enfin, il ne faut pas désespérer, on peut être blessé. Quant à la mort, si elle vient, ce sera une délivrance. Il n’est pas croyable qu’on puisse faire souffrir et manœuvrer des hommes de pareille manière pour avancer de quelques mètres de terrain. Si jamais l’on rentre, on en parlera de la guerre ! Tas d’embusqués et de planqués, qu’ils viennent un peu prendre notre place, ensuite ils auront le droit de causer. »
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