C’est avec le plus grand intérêt que nous avons reçu aujourd’hui, veille du 11 novembre, la collection en fac-similé de 10 journaux correspondant à 10 grandes dates, publiés entre 1914 et 1918.
Cet envoi est lié à une prise de contact lors des rendez-vous de l’histoire de Blois, et il est heureux que nous puissions donner à cette initiative le retentissement que celle-ci mérite.

On pourra découvrir la richesse du site Rétronews sur ce lien, mais en ce 10 novembre, on comprendra aisément que l’on mettra la priorité sur la commémoration de ce centième anniversaire de l’armistice du 11 novembre 1918.

L’ensemble documentaire, car c’est bien de cela qu’il s’agit, est composé de 10 fac-similés de journaux de l’époque, correspondant à des dates majeures du conflit. On y trouvera d’ailleurs, et cela peut sembler logique, une priorité consacrée au front occidental, mais en même temps, pour le petit journal 19 septembre 2016, une référence à la guerre dans les Balkans, trop souvent ignorée d’ailleurs, même sous forme allusive, dans les programmes scolaires. On ne le dira jamais assez, mais la guerre de 14 18 ne se limite pas à la guerre franco-allemande !

Le pack utilise des fac-similés reproduits grandeur nature des journaux de l’époque, il commence par Le Petit Journal, en date du 2 août 1914, qui informe le lecteur de la mobilisation générale. Quotidien républicain, d’orientation conservatrice, Le Petit Journal a été l’un des grands titres de la presse quotidienne nationale, de 1863, avec sa fondation par Moïse Polydore Millaud jusqu’en 1944.

2 août 1914 : l’ordre de mobilisation générale

  • « Sous les armes » : la mobilisation générale est décidée ; l’Allemagne déclare la guerre à la France le lendemain.

Une du Petit Journal, 2 août 1914.

  • Dès le début de la guerre, le retour de la censure

Une de L’Homme Libre, 4 janvier 1915.

Dès le début de la guerre, la censure s’exerce sur les morasses – les planches des journaux prêtes à être imprimées.

 

  • Du 6 au 11 septembre 1914 : la première bataille de la Marne

Une du Petit Parisien, 12 septembre 1914.

« La bataille de la Marne : après cinq jours de lutte », la France et le Royaume-Uni arrêtent la progression des Allemands.

 

  • Du 21 février au 18 décembre 1916 : la bataille de Verdun

Une de L’Oeuvre, 25 février 1916.

« La bataille de Verdun continue ; l’ennemi a multiplié ses attaques furieuses » : du 21 février au 18 décembre 1916,  c’est « l’enfer de Verdun ».

  • Du 1er juillet au 18 novembre 1916 : la bataille de la Somme

Au cœur de la bataille de la Somme, une nouvelle arme de guerre britannique fait son apparition : le char d’assaut ou « auto blindée ».

Une du Petit Journal, 19 septembre 1916.

  • 6 avril 1917 : l’entrée en guerre des États-Unis

L’entrée en guerre des États-Unis : « la décision du Sénat américain » et « le salut de la France ».

Une du Matin, 6 avril 1917.

  • Du 16 avril au 24 octobre 1917 : offensives sur le Chemin des Dames

« Nos troupes attaquent sur le Chemin des Dames » : l’offensive sanglante donne lieu aux premières mutineries dans les armées – passées sous silence par la presse.

Une de La Presse, 1 août 1917.

 

  • 7 novembre 1917 : La Révolution d’Octobre en Russie

Dans la nuit du 24 au 25 octobre selon le calendrier julien, « les Maximalistes triomphent à Petrograd : Kerensky renversé par Lénine » : en Russie, la Révolution d’Octobre éclate.

Une du Petit Parisien, 17 juillet 1918.

  • Du 15 juillet au 6 août 1918 : la deuxième bataille de la Marne

« Deuxième jour de bataille » dans la Marne : après les offensives lancées par Ludendorff, les Alliés ripostent et obligent l’armée allemande au repli.

Une du Petit Parisien, 17 juillet 1918.

  • 11 novembre 1918 : la signature de l’armistice

« La guerre a fini ce matin à 11 heures » : Les représentants allemands signent l’armistice le 11 novembre en forêt de Compiègne.

On trouvera sur le site de rétro news l’animation flash qui montre le numéro du journal, « le populaire » journal socialiste dont le directeur politique est Jean Longuet représentant alors de l’aile gauche du parti socialiste SFIO. On remarquera d’ailleurs que pour ce numéro du 12 novembre 1918, une large place est consacrée à la révolution allemande et au rôle des socialistes indépendants, qui se sont situés pendant cette période entre la social-démocratie, participant à l’union sacrée en Allemagne, et les spartakistes, avec Rosa Luxembourg.

Le journal du 12 novembre 1918

Il est possible d’exploiter ce fonds documentaire particulièrement complet, encore une fois sur la guerre franco-allemande, mais aussi sur le contexte international, il ne se peine de parcourir ces journaux, malgré leur taille originale qui les rend assez peu facile à manipuler pour un lecteur du XXIe siècle. En même temps, cela permettra aux élèves, mais certainement aussi à leur jeunes professeurs de s’initier aux habitudes de lecture des hommes du début du XXe siècle. Sur le petit journal, premier numéro, journal particulièrement sérieux, et dont le tirage est particulièrement imposant si on le compare à aujourd’hui, le ton apparaît comme tout à fait neutre, et l’éditorial de Pichon s’inscrit clairement dans le soutien au gouvernement. Le texte de l’ordre de mobilisation est reproduit, sur les deux colonnes de droite de la une on rappelle l’engagement de la France « en vertu des traités » et paradoxalement, contrairement à ce que l’on pourrait croire encore aujourd’hui, dans un article en deuxième page signée par un certain colonel X, on peut constater une certaine lucidité. L’importance de la mobilisation est rappelée notamment en termes d’effectifs, puisque ce mystérieux colonel parle de 30 millions d’hommes. Il évoque également les conséquences en termes économiques, avant de justifier, cela n’est pas étonnant, la loi de trois ans.
Un seul numéro du journal, encore une fois celui du 2 août 1914, est particulièrement significatif du contexte. Malgré l’importance de l’événement, le titre continue à publier les deux feuilletons, « la figure de cire » et « sens fatal » dont l’épisode 70 traite du « bandit amoureux », on aimerait bien connaître la suite. Une large place est consacrée sur la quatrième à ce que l’on appelle la réclame, la publicité où l’on trouve indifféremment des propositions de traitements médicaux, contre l’eczéma et l’anémie, mais également pour les vins d’Algérie et chocolat Meunier.

Une exploitation pédagogique significative

En termes d’exploitation pédagogique, il sera possible d’envisager de faire travailler les élèves sur un tableau qui permettrait de montrer comment, encore une fois à partir d’un journal spécifique,  l’opinion publique reçoit cette information.

La Une La deux La trois La quatre
Appel de Une « sous les armes » Page informations pratiques

Dispositions concernant les étrangers
désirant quitter Paris

Situation des étrangers Allemands et Austro-Hongrois

 

Un ensemble sur trois colonnes

Le conflit Européen, capitale par capitale

Les deux colonnes de droite sont consacrées à la réclame, avec les pneux Gradiator et les traitements contre l’acide urique.

Exclusivement sur la quatrième page de la réclame, une annonce légale et le deuxième feuilleton

 

Appel à la nation

Information institutionnelle

Rappel de l’enquête sur l’assassinat de Jaurès le 31 juillet
Perquisition au domicile de Villain
Commentaire en pied de page

Bravoure  calme

Le feuilleton « La figure de cire »
Rappel contexte diplomatique

En vertu des traités la France est engagée

Il est possible de faire réaliser un travail de ce type, par des groupes de trois élèves, ou de quatre puisque les classes sont davantage proches de 36 que de 30 !
Il est relativement facile, à partir d’un fonds documentaire, composé de supports imprimés,– ne jamais oublier cet aspect ! – de faire un « journal » de la guerre à l’arrière, ou de la guerre vue de l’arrière qui peut s’insérer dans le programme actuel, civils et militaires pendant la première guerre mondiale.
Dans le cadre des programmes futurs, l’exercice ne devrait pas être fondamentalement différent.

Sur chacun des points abordés ci-dessus à titre d’exemple, la contextualison peut intervenir, et il est parfaitement possible d’imaginer que l’on puisse aborder l’ensemble des aspects du conflit.
Sur le petit parisien du 12 septembre 1914, la bataille de la Marne occupe une large place, et on notera d’ailleurs que c’est communiqué officiel du vendredi 11 septembre sont écrits en gros caractères. On notera sur la une la référence à l’appel du pape Benoît XV qui commence son pontificat par un appel à cesser le conflit, même si le titre de l’article qui évoque cette information annonce « la Paix impossible ».

On peut se prendre au jeu très facilement, et au moment où j’écris ces lignes, je me rends compte en parcourant ces fac-similés que je viens, après seulement une heure, de commencer un récit, celui que je pourrais faire dans la classe, dans quelques jours pour aborder la première guerre mondiale.

L’un des mérites de rétro news est de ramener les élèves, et encore une fois une bonne partie de leurs professeurs, à cette culture de la lecture de « la chose imprimée ». Nous sommes encore dans une période où la presse-papier dispose du monopole absolu de l’information, aussi bien par l’écrit que par l’image. À cet égard, le numéro du 3 septembre 1916 du journal illustré « le miroir » qui montre cette sentinelle équipée d’un masque à gaz en faction devant le Fort de Souville qui barre la route de Verdun, donne également une idée assez précise des images que l’état-major souhaitait montrer.
Manipuler ces journaux, écrits le plus souvent en très petits caractères, avec des articles qui dépassent gaillardement les 20 000 signes, est un formidable voyage dans le temps. Il permet, l’espace d’un instant, de redécouvrir, au-delà d’une époque, un mode de vie, un rapport à l’information, biaisée d’ailleurs par la censure.
C’est l’odeur de l’encre du papier, qui malgré les lois du 29 juillet 1881, n’est plus tout à fait, en temps de guerre, celle de la liberté.