Ley de responsabilidades políticas 9 de febrero de 1939 (fragmentos)

(…) el Gobierno (…) considera llegado el momento de dictar una Ley de Responsabilidades Políticas, que sirva para liquidar las culpas de este orden contraídas por quienes contribuyeron con actos u omisiones graves a forjar la subversión roja, (…)
Los Tribunales encargados de imponer las sanciones estarán compuestos por representantes del Ejército, de la Magistratura y de la Falange Española Tradicionalista y de las J.O.N.S. (…)
Art. 1° Se declara la responsabilidad política de las personas, tanto jurídicas como físicas que desde 1 ° de octubre de 1934 y antes de 18 de julio de 1936, contribuyeron a crear o a agravar la subversión de todo orden de que se hizo víctima a España y de aquellas otras que, a partir de la segunda de dichas fechas, se hayan opuesto o se opongan al Movimiento Nacional con actos concretos o con pasividad grave.
Art. 2° Como consecuencia de la anterior declaración (…) quedan fuera de la Ley todos los partidos y agrupaciones políticas y sociales que, desde la convocatoria de las elecciones celebradas en 16 de febrero de 1936, han integrado el llamado Frente popular, así como los partidos y agrupaciones aliados y adherido a éste por el solo hecho de serlo, las organizaciones separatistas y todas aquellas que se hayan opuesto al Triunfo del Movimiento Nacional.
Art. 3° Los partidos, agrupaciones y organizaciones declaradas fuera de la ley, sufrirán la pérdida absoluta de sus derechos de toda clase y la pérdida total de sus bienes.


Boletín Oficial del Estado, 13 de febrero de 1939.


Commentaire

Nature et contexte

Ce document de nature politico-juridique est un court fragment de la «loi de responsabilités politiques», comportant 88 articles, signée par Franco à Burgos le 9 février 1939 et publiée dans le Bulletin officiel de l’Etat espagnol, le 13 février 1939. Texte de référence de l’étude du «premier franquisme» dans les classes de terminales en Espagne, son analyse permet de mettre en lumière à la fois les principes et la nature du régime franquiste, ainsi que sa nature répressive.

Cette loi est promulguée en février 1939, à la fin de la guerre civile qui n’est pas encore terminée, mais dans un contexte où «le moment est venu» ( el gobierno considera llegado el momento) de «reconstruire spirituellement et matériellement la Patrie». A cette date, après la prise de la Catalogne, les forces nationales contrôlent une grande partie du territoire et la victoire ne fait aucun doute. La fin de la guerre civile est annoncée par Franco, le 1er avril 1939, trois jours après la chute de Madrid.

Esprit et objet de la loi

La loi vise à donner un cadre légal au système répressif de la dictature franquiste instaurée à l’issue de la guerre civile. Il s’agit de punir les «fautes» de ceux que la loi définit comme responsables de la guerre civile qui a fait plus d’un demi-million de morts.
D’emblée, on remarque que la population susceptible de tomber sous le coup de cette loi est très nombreuse. Sont visés non seulement les citoyens qui sont restés fidèles au gouvernement de la République pendant la guerre civile, quel que soit leur degré d’engagement, mais aussi «les tièdes» qui auraient fait preuve de passivité (pasividad grave) ou n’auraient pas manifesté leur soutien au camp national. Elle vise aussi les Espagnols qui auraient encouragé la «subversion rouge» (subverson roja) pendant la seconde République, à partir de la révolution des Asturies d’octobre 1934 et ,bien sûr, tous ceux qui ont soutenu le Frente popular à partir de février 1936. La loi fixant l’âge de responsabilité pénale à 14 ans, elle fait peser la menace de sanction pénale sur environ la moitié de la population espagnole. Ces éléments appellent un certain nombre de commentaires.

Au delà du l’esprit de revanche qui inspire la loi, on perçoit aisément une volonté de «criminaliser» le gouvernement légal du Front populaire ainsi que les partis, mouvements et militants qui le soutenaient. Ainsi, de façon paradoxale, ceux qui ont défendu la légalité républicaine sont transformés par ceux qui ont pris les armes contre le gouvernement légal en rebelles et séditieux!
Fondé sur un discours d’auto légitimation du soulèvement, la loi permet par conséquent de donner une légitimité à la répression et au jugement des «vaincus», considérés par les vainqueurs comme les seuls responsables des malheurs de l’Espagne.
En criminalisant les partis de gauche, les partis régionalistes (basques et catalans) et mouvements populaires (syndicats ouvriers) partisans du Front populaire, elle permet de justifier leur dissolution, leur interdiction et la confiscation de tous leurs biens, au profit du parti unique, «el Movimiento», seul représentant légitime de l’âme espagnole.
Enfin, cette loi est en contradiction totale avec les règles du Droit et de la Justice sur au moins un point fondamental: la rétroactivité de la loi qui permet ici de condamner des personnes pour des délits au nom d’une loi qui n’existait pas au moment des faits reprochés.

Application et portée de la loi de responsabilités politiques

La loi prévoyait la création de tribunaux régionaux de responsabilités politiques couvrant l’ensemble du territoire espagnol. Le tribunal chargé de d’instruire et de prononcer les sentences était composé de trois juges: un chef de l’armée , un militant du parti unique inscrit au barreau des avocats et un juge des tribunaux (ou leurs suppléants).

Selon les sources que j’ai consultées, les tribunaux furent d’une redoutable efficacité , puisqu’ils eurent à juger plus de 125.000 cas de février 1939 à octobre 1941 et environ 200.000 les années suivantes.
Les peines prononcées étaient de trois catégories:
Des peines d’éloignement géographique: exil intérieur (destierro) ou de bannissement dans les colonies d’Afrique du nord.
Des expulsions de la fonction publique permettant une large épuration de l’Administration.
Des sanctions économiques: amendes; expropriations partielles ou totales des biens. ( Dimension économique et financière de la loi dans un pays ruiné par la guerre).

Conclusion

Inspirée d’un esprit de revanche, cette loi fut l’une des pierres angulaires de la répression franquiste de 1939 à 1945, date de son abrogation (mais elle fut remplacée par d’autres dispositions législatives qui maintinrent le caractère répressif du régime).

Elle contribua sans aucun doute à approfondir la division du peuple espagnol entre vainqueurs et vaincus. En effet, les victimes de l’épuration (par la privation d’emploi ou par l’exil) étaient condamnées à une sorte de mort civile, tandis que leurs postes allaient être occupés par des partisans du régime. Les familles condamnées à des sanctions économiques étant souvent réduites à la misère puisque les peines, dans les cas fréquents de mort, de disparition ou d’absence du condamné, étaient transmises aux héritiers directs et équivalaient à une expropriation totale ou partielle. Mis aux enchères, ils étaient souvent acquis au-dessous de leur valeur réelle par les vainqueurs.

Par la menace qu’elle fit peser sur des millions d’Espagnols, la loi de responsabilités politiques fut un outil efficace pour propager la peur dans la société espagnole et ainsi, obtenir le «désarmement moral» des vaincus condamnés au silence.

https://lycee.clionautes.org/ultima-carta-condenado-a-muerte-franquismo-dnl.html