Quand on veut bien préparer ses élèves, rien de tel que de reprendre les sujets de l’examen. Vous trouverez ici les annales des années précédentes, classées par thème.

Dissertations sur Histoire et mémoires

  • Juger les crimes de masse et les génocides depuis 1945. Métropole, jour 1 (2024). Le corrigé des Clionautes est disponible. 
  • Juger à différentes échelles depuis 1945 pour reconstruire les sociétés après les conflits. Asie, jour 2 (2024)
  • La construction des mémoires : acteurs et enjeux. Amérique du Nord, jour 2 (2024)
  • Juger les génocides et les crimes de masse, une justice uniquement internationale ? Amérique du Nord, jour 1 (2022).
  • Histoire et mémoires, quels débats ? Asie, jour 2 (2022). 
  • Réparer les sociétés après un génocide : moyens et enjeux. Centres étrangers, Afrique, jour 1 (2022).
  • Reconnaître la mémoire du génocide des Juifs et des Tsiganes, moyens et acteurs. Mayotte-Liban, jour 1 (2022).
  • Juger les crimes de masse et les génocides après 1946. Mayotte-Liban, jour 2 (2022). Le corrigé des Clionautes est disponible.
  • Juger les génocides et les crimes contre l’humanité, quels objectifs ? Nouvelle-Calédonie, jour 1 (2022).
  • Juger les génocides et les crimes de masse depuis 1945. Polynésie, jour 2 (2022). Le corrigé des Clionautes est disponible.
  • L’État, seul acteur de la construction des mémoires ? Métropole, sujet de remplacement, jour 1 (2022). Le corrigé des Clionautes est disponible
  • Expliquez la citation de l’historien Pierre Nora : « Si la mémoire divise, l’Histoire réunit ». Métropole, sujet de remplacement, jour 2 (2022). 

Études critiques de document sur Histoire et mémoires


Amérique du Nord, jour 2 (2022)

La justice à l’échelle locale : les tribunaux gacaca face au génocide des Tutsis. En analysant les documents, en les confrontant et en vous appuyant sur vos connaissances, vous montrerez les particularités et les limites de la justice à l’échelle locale exercée dans le cadre des tribunaux gacaca au Rwanda.

Document 1 :
Source : Photographie d’une femme témoignant devant la juridiction gacaca de Kamembe en février 2004, in Antoine Garapon, « Un laboratoire de justice », L’Histoire, n°396 février 2014, p. 62.
Document 2 :

Le processus gacaca a-t-il atteint ses objectifs déclarés ? A-t-il révélé la vérité sur ce qui s’est passé pendant le génocide, accéléré les procès, éradiqué la culture de l’impunité, réconcilié les Rwandais, et prouvé que le Rwanda a la capacité de régler ses propres problèmes ? […] Sur une période de cinq ans, Human Rights Watch* a interrogé un large éventail de personnes impliquées dans le processus gacaca, notamment des victimes, des rescapés du génocide, des criminels, des témoins, d’autres membres de la communauté, des juges, des autorités gouvernementales locales et nationales, et des organisations non gouvernementales. Ces rwandais ont expliqué à Human Rights Watch comment ils percevaient le système gacaca et son rôle dans les répercussions du génocide. Bien que leur point de vue ait été spécifiquement lié aux procès gacaca, certaines de leurs préoccupations auraient pu s’avérer tout aussi pertinentes pour les tribunaux classiques. […] Certains ont estimé que les aveux étaient incomplets ou manquaient de précision, souvent parce que les aveux étaient principalement destinés à obtenir la sortie de prison. Certains rescapés du génocide ont expliqué qu’ils se sentaient forcés de pardonner publiquement à ceux qui leur avaient fait du tort, même si dans leur cœur, ils ne leur avaient pas pardonné. Ainsi que l’a dit une femme : « Il s’agit de réconciliation imposée par le gouvernement. Le gouvernement a forcé les gens à demander et donner le pardon. Personne ne le fait volontairement… Le gouvernement a gracié les tueurs, pas nous. ». D’autres ont parlé de « l’insistance » du gouvernement sur la réconciliation, mais ont rappelé à quel point les situations économiques des rescapés du génocide sont demeurées terribles. Un certain nombre de rescapés du génocide ont exprimé leur amertume quant à l’incapacité du gouvernement à leur donner une aide financière et à assurer leur sécurité. Selon de nombreux rescapés du génocide, la réconciliation est demeurée précaire. Nombre d’entre eux ont évoqué la nécessité de vivre en paix et de coexister avec leurs voisins hutus, mais la plupart ont admis qu’ils voyaient encore les gens à travers le prisme du « hutu » et « tutsi ».

Source : extrait du rapport de l’ONG Human Rights Watch, « Justice compromise. L’héritage des tribunaux communautaires gacaca du Rwanda », mai 2011.

* Organisation non gouvernementale qui œuvre pour la défense des droits de l’Homme.


Amérique du Sud, jour 2 (2022)

Mémoires et histoire d’un conflit : la guerre d’Algérie. En analysant le document et en vous appuyant sur vos connaissances, vous mettrez en évidence les différences entre les approches mémorielles et historiques de la guerre d’Algérie.

Document 1 :

Contrairement à ce que l’on entend souvent, la guerre d’Algérie n’a jamais été totalement occultée […]. Très tôt, plusieurs films ont été projetés. […] En 1977, Laurent Heynemann, soutenu par Bertrand Tavernier, adapte le livre d’Henri Alleg La Question, qui dénonce les tortures qu’il a subies ; le film est présenté sur Antenne 2 par Michel Drucker aux Rendez-vous du dimanche, émission de grande écoute – l’animateur invite les téléspectateurs à voir le film lors d’une séquence relativement longue de huit minutes.

Cependant, les décennies 1970 et 1980 furent fort tranquilles, à peine troublées par la grève de la faim de harkis en novembre 1974. Sans aucune difficulté, la guerre d’Algérie est mise au programme des classes de Terminales en 1983. Je me permets un souvenir personnel : l’Association des professeurs d’histoire-géographie avait organisé à Marseille, en octobre 1983, dans le cadre des premières Journées de l’histoire-géographie, un atelier sur le thème : « Peut-on enseigner la guerre d’Algérie ? », […] tout se passa dans la sérénité et le calme le plus absolu. […] Notons cependant qu’officiellement le terme de « guerre » n’était toujours pas employé !

Cette mémoire tiède se réchauffe dans les années 1990 avec la création de l’association Au nom de la mémoire visant notamment à recueillir des témoignages sur la répression de la manifestation du FLN (Front de libération nationale) du 17 octobre 1961. [En 1991] Benjamin Stora analyse, dans La Gangrène et l’Oubli, « l’ensemble subtil de mensonges et de refoulement » qui a fait de la guerre d’Algérie un nouveau passé qui ne passe pas. Il prolonge sa réflexion par le film qu’il réalise la même année avec Philippe Alfonsi, Les Années algériennes, entièrement fondé sur les mémoires, y compris celle de sa mère qui revient en Algérie vingt-huit ans après et se rend sur les tombes de son père et de son grand-père. Des mémoires, souvent antagonistes, se retrouvent parfois autour de la culture du Sud. À travers la mise en images de ces mémoires dévoilées, Stora espère guérir la société française du poids de ce passé non reconnu. L’année suivante, Bertrand Tavernier et Patrick Rotman font l’histoire de cette guerre uniquement à partir du témoignage d’appelés ou de rappelés, en utilisant même leurs photos. Beaucoup précisent qu’ils n’ont jamais voulu en parler jusque-là ; tous sont revenus meurtris. Le procès de Maurice Papon, en 1998, sur son rôle dans la déportation des Juifs à Bordeaux, renvoie à son attitude de préfet de police en octobre 1961. La notion de massacre fut alors reconnue par la justice pour qualifier le 17 octobre. En 1999, le Parlement décide de remplacer l’expression « opérations de maintien de l’ordre en Afrique du Nord » par celle de « guerre d’Algérie ».

Cependant, la tension remonte avec les violentes polémiques autour de la torture en 2000 et 2001, à partir de la confirmation tranquille du fait par l’un des principaux acteurs, le général Aussaresses, dans la presse, à la télévision et finalement dans un livre. Ce que certains s’obstinent malgré tout à nier. Début décembre 2007, Nicolas Sarkozy effectue un voyage en Algérie ; Libération 5 décembre titre « France-Algérie, la guerre des mémoires » et signale : « Selon Bernard Kouchner, Nicolas Sarkozy et son homologue Abdelaziz Bouteflika ont eu « un début de dialogue fort, nécessaire, mais très douloureux » sur les questions de mémoire ». […] Juste après sa désignation comme candidat à la présidence de la République, François Hollande participe à la commémoration du 17 octobre. Il reconnaîtra, le 17 octobre 2012, la responsabilité de la République dans la sanglante répression par un communiqué très court, non sans susciter encore des réactions hostiles.

Source : Philippe Joutard, Histoire et mémoires, conflits et alliances, Paris, La Découverte, 2013


Centres étrangers, Afrique, jour 2 (2022)

Juger les génocides. En analysant les documents, en les confrontant et en vous appuyant sur vos connaissances, répondez à la question suivante : comment la justice peut-elle contribuer à la compréhension de l’histoire et à l’apaisement des mémoires ?

Document 1 :
Source : photographie d’un tribunal gacaca au Rwanda en 2006 prise par Elisa Finocchiaro
Document 2 :

Simone Veil. – Pour ma part, le sort de Barbie*, cela ne m’intéresse pas. Beaucoup se sont réjouis de son procès simplement pour qu’il paie ses fautes. Or, je ne crois pas qu’un procès soit la réponse adéquate, car la peine encourue, au maximum la prison à vie, est sans commune mesure avec les atrocités commises. Ce que j’avais prévu, il y a trois ans, dans vos colonnes, est en train de se vérifier. Dès l’arrivée de Barbie en France, le procès a reposé sur une ambiguïté fondamentale qui ne pouvait entraîner qu’une grande confusion et conduire à des débats de procédure propres à nuire à la connaissance de l’Histoire. Pour certains, le procès de Barbie, c’était celui de l’un des responsables de l’extermination des juifs. Pour d’autres, et cela se comprend, c’était le procès de l’assassin de Jean Moulin. Pendant trois ans, l’instruction ne s’est intéressée qu’au premier aspect. La décision récente** de la Cour de Cassation élargit considérablement le procès en faisant entrer l’action de Barbie contre les résistants dans la catégorie des crimes contre l’humanité.

Nouvel Observateur – Et c’est cet arrêt de la Cour de Cassation qui vous choque ?

S.V. – Oui. C’est une affaire grave et lourde de conséquence, même sur le plan international. C’est cela, la banalisation de l’aspect spécifique des horreurs de l’idéologie nazie. Des atrocités, hélas ! il y en a toujours eu au cours des guerres, des révolutions et des occupations, hier comme aujourd’hui. Je ne pense pas que ce soit à cela que le concept de « crime contre l’humanité » ait fait référence, car il y a une différence de nature entre le crime de guerre et les crimes contre l’humanité. Le vrai problème de cette affaire, c’est de savoir si le procès aura été un atout dans la lutte contre l’idéologie nazie. Eh bien, le résultat est catastrophique. Il est clair qu’il n’aboutit qu’à une banalisation de l’idéologie nazie qui avait, on l’oublie trop, une spécificité : la volonté délibérée d’exterminer deux catégories de population, les tziganes et les juifs, volonté mise en œuvre de façon systématique, quasi scientifique. Le procès Barbie était raté d’avance, puisqu’il devait créer les difficultés de procédure que souligne maintenant l’arrêt de la Cour de Cassation. […]

N.O. – Voulez-vous dire qu’il n’y a pas besoin de procès ?

S.V. – Ce que je veux dire, c’est que contrairement au procès d’Eichmann, maître d’œuvre de l’extermination, le procès de Barbie – qui, en ce domaine, fut un exécutant parmi d’autres – n’avait pas de sens. Le vrai procès qui pourrait éclairer l’histoire, ce serait, sans doute, celui de l’assassin d’un criminel de guerre qui assumerait et expliquerait son geste. En ce cas, la défense, au lieu d’obscurcir le débat comme elle le fait dans le procès Barbie en récusant les témoins ou en niant les faits, ferait elle-même le procès du nazisme. Alors la vérité gagnerait… Si je soutiens ce paradoxe, ce n’est pas pour le souhaiter mais pour démontrer l’absurdité du procès actuel, conduit comme il l’a été.

Le résultat, aujourd’hui, c’est que l’on va pouvoir assimiler toutes les exactions des guerres et des répressions aux génocides commis par les nazis, ou par d’autres. Je pense notamment à celui commis contre les Arméniens ou contre le peuple cambodgien.

* Klaus Barbie était le chef de la Gestapo de Lyon entre 1943 et 1944.

** La décision récente : décision de la cour de cassation qui le 20 décembre 1985 étend la notion de crime contre l’humanité, réservée initialement aux seules victimes juives, aux déportations de résistants.

Source : interview de Simone Veil à propos du procès Barbie,

publiée le 10 janvier 1986 dans Le Nouvel Observateur


Nouvelle-Calédonie, jour 2 (2022)

Juger les crimes de masse. En analysant les documents, en les confrontant et en vous appuyant sur vos connaissances, expliquez la création des tribunaux spécifiques pour juger les crimes de masse.

Document 1 :

« L’accent mis sur le volet judiciaire de la réconciliation nationale au Rwanda après le génocide ressort d’un double impératif, à la fois juridique et historique. En effet, la nature même du crime commande une réponse de type judiciaire dont témoigne, à l’échelle internationale, la mise en place du TPIR en novembre 1994. Ce dernier est chargé de poursuivre et juger les principaux instigateurs du génocide et c’est pourquoi son activité demeure marginale au regard de la masse des exécutants impliqués dans le génocide. Son impact sur la réconciliation nationale est également sujet à caution dans la mesure où son travail est peu connu au Rwanda. Le travail du TPIR, dont les compétences sont réduites à la poursuite et au jugement des grands responsables politiques, militaires ou médiatiques, interfère peu sur les activités des tribunaux gacaca. Enfin, le TPIR voit son intérêt décroître à mesure que le terme de son mandat approche à la fin de cette année. D’autre part, l’une des justifications qui préside à la mise en place des juridictions gacaca réside dans la volonté affichée d’éradiquer la « culture de l’impunité ». La loi du 20 mai 1963 est éclairante de ce point de vue. Elle octroie l’amnistie à tous les auteurs des crimes commis en 1959 et présente les massacres commis contre les Tutsi comme un événement fondamental dans la lutte pour l’indépendance du pays. Il s’agit ici de l’acte fondateur d’une « culture de l’impunité » nourrie dès l’indépendance et qui perdure jusqu’au génocide de 1994, sous des formes plus ou moins atténuées. Ainsi, la mise en place des juridictions gacaca vient rompre avec des pratiques tendant à légitimer les massacres. C’est d’ailleurs un leitmotiv qui ressort de propos tenus tant par les prisonniers, les rescapés ou encore les juges de gacaca. Un détenu de la prison centrale de Kigali interrogé en 2004 rend compte de la banalisation des crimes commis contre les Tutsi : « Nous avons confiance en gacaca. Le bas peuple a été manipulé, c’était une coutume de faire des tueries, on ne comptait pas à ce qu’il y aurait des poursuites. »  Autre écho, venu lui d’un procès : un juge interpelle un accusé : « Tu n’avais pas d’appréhension, tu ne savais pas qu’il arriverait ce moment où tu te tiendrais debout ici devant nous, et tu ne pouvais pas savoir non plus qu’il arriverait ce moment où tu serais amené à être questionné ». La lutte contre l’impunité informe ainsi en partie la dimension punitive des juridictions gacaca. »

Source : Dumas Hélène, « Histoire, justice et réconciliation : les juridictions gacaca au Rwanda », Mouvements, 2008/1 (n° 53), p. 110-117.

Document 2 :

Les conventions de Genève sont des traités internationaux qui définissent les règles de conduite à adopter en période de conflits armés (protection des civils, des blessés et des membres de l’aide humanitaire).

Source : Site internet du tribunal international pour l’ex-Yougoslavie (consulté en novembre 2021)