Documento : el discurso del maestro  en la lengua de las mariposas

Tras una vida consagrada a la enseñanza, llega para don Gregorio la hora del retiro. Como alcade de esta villa y en nombre de todos, autoridades, alumnos y vecinos, quiero manifestarle nuestro reconocimiento y nuestra gratitud por lo que, año tras año, ha hecho por nuestros hijos, prepararlos para la vida, y sobre todo, forjarlos como ciudadanos. Don Gregorio, amigo mío, usted sabe que no soy hombre dado a los discursos, todo lo que le puedo decirle es: ¡ Gracias, muchas gracias! Gracias de todo corazón.”

( Aplausos…)

Dignísimas autoridades, queridos niños, respetados convecinos.

En la primavera, el ánade salvaje vuelve a su tierra para las nupcias. Nada ni nadie podrá detenerlo: Si le cortan las alas, irá a nado; si le cortan las patas, se impulsará con el pico, como un remo en la corriente. Ese viaje es su razón de ser. En el otoño de mi vida, yo debería ser un escéptico y en cierto modo, lo soy… El lobo nunca dormirá en la misma cama con el cordero. ¡ Pero de algo estoy seguro! ¡ Si conseguimos que una generación, una sola generación, crezca libre en España, ya nadie les podrá arrancar nunca la libertad!

¡Nadie les podrá robar ese tesoro!»

https://www.youtube. el discurso del maestro


Commentaire

Le texte proposé est la transcription du dialogue d’une des dernières séquences du film « la lengua de las mariposas » qui peut être étudié en classe  à partir de l’extrait visible sur YouTube, via le lien ci-dessus. A travers cette étude, il s’agit d’aborder l’une des réformes les plus ambitieuses et les plus importantes entreprises par la seconde République espagnole, celle de l’instruction primaire.

  1. le film

« La lengua de las mariposas » est un film espagnol de José Luis Cuerda, sorti sur les écrans en 1999. Il s’inspire de la nouvelle de l’écrivain Manuel Rivas  « ¿Qué me quieres, amor? »     http://educomunicacion.es/cineyeducacion/temasmariposas.htm

L’action se déroule dans un village de l’Espagne rurale entre septembre 1935 et  juillet 1936.  Don Gregorio est un  vieux maître d’école aux fortes convictions républicaines  qui a gardé  la vocation de l’enseignement. A travers la relation d’affection et de connivence intellectuelle qui le lie à Moncho, un de ses jeunes élèves, le cinéaste aborde de façon subtile les enjeux politiques et culturels    de la réforme de l’éducation primaire et, par voie de conséquence, les oppositions qui se sont levées contre ce projet de transformation de la société espagnole.

2. Quelques références historiques…

La seconde République espagnole, dans sa volonté d’instaurer en Espagne la démocratie, fut porteuse  d’un projet fort ambitieux: permettre l’accès à la culture pour tous, (ce qui passait  par l’accès à la lecture pour tous…), affirmer le droit à la culture comme un droit universel,  afin d’enraciner dans les reins  et les cœurs   les valeurs de la République. Et de fait, « jamais auparavant, aucun gouvernement n’eut autant de sensibilité et de préoccupation pour les questions relatives à la culture et à l’éducation en  Espagne. (…) Le régime qualifié de République des intellectuels ou des professeurs (…) aspirait à transformer radicalement la réalité  espagnole  afin de faire de l’Espagne une authentique démocratie, ce qui ne serait se faire tant que la majorité de ses enfants, par manque d’écoles, se verraient condamnés à l’ignorance perpétuelle. » (1).  

 La tâche était immense puisqu’en  1930, l’analphabétisme concernait près d’un espagnol sur trois ( 31% de la population), avec de fortes inégalités entre  les sexes ( 23,6% chez les hommes et 38,1% chez les femmes), entre les régions ou entre les  villes et les  campagnes.  Pour scolariser l’ensemble des enfants du pays, le gouvernement estimait qu’il faudrait construire 27.000 écoles!

Face à l’urgence, les premières réformes furent lancées dès l’été 1931 avant le vote définitif de la constitution. Le plan prévoyait d’agir sur plusieurs volets pour transformer radicalement le système éducatif espagnol.

  •  La création d’un système éducatif national public, laïc, mixte et gratuit permettant la formation des futurs citoyens et favorisant l’égalité des chances.
  • Un plan quinquennal prévoyant la construction de 27.000 écoles ( soit environ 5000 par an). Pour assurer son financement, le budget du ministère de l’instruction publique fut augmenté pour atteindre  6  à 7% du Budget de l’Etat et un emprunt national de 400 millions de pesetas fut lancé en septembre 1932.
  • La création  de 7000 places d’instituteurs dès juin 1931.
  • Un plan de réformes des écoles normales visant à mieux assurer la formation initiale et la formation continue  des maîtres recrutés désormais avec le baccalauréat.
  • Une amélioration des salaires des maîtres, afin qu’ils puissent vivre dignement et ainsi renforcer leur prestige au sein de la société. En effet, la situation économique des maîtres était souvent très mauvaise, à tel point que  » Pasar hambre como un maestro de escuela »  était devenu quasiment un dicton!
  • Un plan de diffusion de la lecture et de la culture en direction des masses rurales.  Ceci fut l’œuvre principale du « Patronato de misiones pedagógicas » créé par décret le 29 mai 1931. Les missions, souvent composées de jeunes étudiants volontaires, sillonnaient les bourgs ruraux afin d’y créer des bibliothèques et des salles de lecture,  installées pour la plupart dans les locaux des écoles. Elles visaient à promouvoir la lecture parmi les enfants mais aussi parmi les parents. Les missions organisaient aussi dans les villages des représentations théâtrales, des séances de cinéma, des expositions de copies des chefs d’œuvre du Prado… Dans une perspective de démocratisation, il s’agissait de rapprocher le monde rural de celui du monde de la culture; il s’agissait aussi bien sûr de gagner les masses rurales à la république et de les soustraire à l’influence des caciques et de l’Eglise…

3.Bilan des réformes

La politique  menée dans le domaine de l’instruction  primaire témoigne de l’ardeur et de la volonté des républicains de transformer radicalement l’Espagne sur les plan politique et culturel, afin d’enraciner la démocratie et réformer profondément un pays aux structures sociales archaïques. Cependant, nous tirerons ici un bilan en demi-teinte.

De 1931 à 1936, plus de 13.000 écoles furent construites (dont 31 lycées), ce qui est remarquable, mais on reste assez loin du plan initial de 27.000 écoles. La République créa  14.000 postes de maîtres et enseignants, dont les conditions matérielles, la formation et la considération sociale furent incontestablement améliorées. Des centaines de milliers d’enfants purent ainsi être scolarisés grâce à cet effort national. L’impact de l’ouverture culturelle des campagnes est plus difficile à mesurer, mais il n’est pas douteux que pour des milliers de ruraux, c’est pendant la République qu’ils ont fait l’expérience marquante de lire un livre, de découvrir le cinéma ou d’assister à une représentation théâtrale…

La politique éducative de la République  suscita en Espagne d’ardentes polémiques et de vives résistances. La réforme  fut portée pour l’essentiel  par les gouvernements de centre-gauche du « primer bienio reformista« , entre 1931 à 1933. Au pouvoir d’ octobre 1933 et février 1936, la droite s’efforça de détricoter l’œuvre entreprise depuis 1931. Surtout, le fondement  laïc du système éducatif suscita une opposition frontale de l’Eglise et des catholiques et il n’est pas excessif de parler ici  de « guerre scolaire« .  Le clergé catholique avait immédiatement compris que la réforme de l’éducation visait à concurrencer et à combattre l’Eglise catholique dans un de ses champs d’action traditionnels, l’éducation; d’autant que les réformes s’accompagnèrent d’une interdiction pour les congrégations religieuses ,telles les jésuites, de gérer des établissements scolaires. La loi fut ressentie par la masse des catholiques comme une provocation et comme liberticide. Le clergé  avait bien compris surtout que l’enjeu politique et culturel de l’entreprise de réforme  était la sécularisation de la société espagnole et que sa réussite conduirait inévitablement de nombreux espagnols à rejeter la tutelle de l’Eglise.

Ainsi, la guerre scolaire sous la seconde République opposa deux conceptions de l’éducation, deux visions de ce que devait être l’Espagne,  « Deux Espagne » au fond, qui, à partir du 18 juillet 1936, s’affrontèrent dans  un combat fratricide. La victoire de Franco permit à l’Eglise de recouvrer une grande partie de ses prérogatives dans les écoles; les maîtres d’école qui avaient manifesté leur adhésion à la République, eux, furent parmi les principales victimes de l’épuration administrative de la « Posguerra« …

(1): Eduardo Gonzalez Calleja y allii..La segunda República española, edición pasado presente, Barcelona ,2015.

Cet ouvrage collectif est une des synthèses les plus récentes et les plus solides sur l’histoire de la seconde république espagnole. L’essentiel des informations historiques donné ici en est issu.

4.  Quelques pistes pour l’exploitation pédagogique du document audiovisuel

Analyser une séquence d’un film de fiction dont les élèves n’ont pas vu l’intégralité peut déconcerter certains collègues. A partir du moment où l’enseignant présente de façon synthétique le synopsis du film, les personnages principaux, le contexte historique, il n’y a aucune difficulté majeure. Il ne viendrait à l’esprit de personne de reprocher à un professeur de lettres de n’étudier qu’un seul extrait d’un roman de Zola ou de Proust! Au contraire, choisir un court extrait d’un document audiovisuel permet de mener une véritable analyse des images, des plans, des dialogues,  en donnant le temps aux élèves de bien entrer dans le sujet. La DNL est par définition un enseignement interdisciplinaire et rien n’interdit de l’enrichir en lui donnant une forte  dimension culturelle et artistique par le biais du cinéma, de la littérature ou de la poésie.

L’extrait à étudier s’intègre dans une étude de la seconde République espagnole, que l’on aborde trop souvent comme l’antichambre de la guerre civile, alors  qu’il faudrait étudier pour ce qu’elle fut et fit,  et se déprendre de l’idée que sa fin tragique était inévitable. On suppose ici  que les élèves ont acquis un certain nombre de connaissances de base sur le sujet: la chronologie; le projet fondé sur la démocratisation de l’Espagne; la société espagnole ( question sociale, agraire; inégalités sociales; poids de l’Eglise).

L’étude commence évidemment par le visionnage de l’extrait sans le texte, suivi d’un questionnement des élèves pour voir ce qu’ils ont compris. Un deuxième visionnage (voire un troisième, selon le niveau des élèves) accompagné d’un texte à trous permet aux élèves de s’entraîner à la compréhension orale. Une fois que les élèves ont le texte complet sous les yeux et que le sens des mots et des phrases a été expliqué, l’analyse peut commencer.

Par une première série de questions simples (en espagnol), il s’agit de faire s’exprimer les élèves en espagnol et vérifier qu’ils ont compris le sens général:  quelle est l’occasion de cette réunion? ( el retiro ou la jubilación del maestro).  Repérez les deux parties de l’extrait. Qui sont les deux personnages qui parlent? Qui compose le public?

Une deuxième série de questions doit permettre aux élèves une analyse fine de l’extrait.

L’hommage du maire du village au maître d’école: il instruit les enfants et il forme les  futurs citoyens de l’Espagne démocratique ( y sobre todo, forjarlos como ciudadanos).

La réponse du maître: on peut interroger les élèves sur le sens de la métaphore du canard sauvage (el ánade salvaje),  mais il faudra sans doute leur en expliquer le sens: une métaphore de l’aspiration des hommes à vivre libre et à lutter pour être libre ( il s’agit bien sûr ici d’une allusion à la guerre civile imminente).

Faire expliquer aux élèves le sens des deux dernières phrases: quelles sont les convictions politiques du maître? Quel sens donne -t-il à son métier? Pourquoi peut-on en conclure qu’il est républicain?

Enfin, on peut analyser avec les élèves la réaction du public: qui approuve et applaudit? Qui par son attitude désapprouve? (le curé, le chef de la guardia civil; le cacique du village). Si on a le temps, on peut s’attarder sur le raccord-regard entre le gros plan du visage du  maître ( « Nunca el cordero  dormirá en la misma cama que el lobo ») et le gros plan sur le visage du cacique. Cette dernière phase de l’analyse doit permettre aux élèves de comprendre que la société espagnole est profondément divisée à la veille de la guerre civile ( en las vísperas de la guerra civil). Idée qui pourra être réactivée en classe au moment de l’étude de la guerre civile.

A partir de l’étude  de ce document, l’enseignant  a le loisir de présenter sous forme magistrale ( illustrée par le graphique des taux d’analphabétisme et de quelques photos d’époque, par exemple) les principaux éléments de la réforme de l’instruction primaire à partir des éléments historiques présentés plus haut.

En guise de conclusion, je vous joins le lien de la dernière séquence véritablement poignante de « la lengua de las mariposas », qui peut servir d’introduction à un cours sur la guerra civil et je vous incite, si vous ne le connaissez pas, à regarder ce film remarquable!

https://www.youtube.com/watch?v=Doj5S_xmuWo