Un éditeur privé du XVIIIe a surnommé « Code noir » :
* L’Édit du Roi touchant la police de l’Amérique Françoise (seul terme officiel dans la législation française d’Ancien régime), préparé par le Rémois Jean Baptiste Colbert à partir de 1681 et achevé par son fils Jean-Baptiste Colbert, Marquis de Seignelay en mars 1685.
*L’ensemble des textes législatifs et réglementaires concernant l’esclavage et publiés depuis 1685.
*Les autres puissances esclavagistes ont aussi leurs Codes noirs mais l’expression désigne aussi aux EU des codes postérieurs à l’émancipation des esclaves.
*En soumettant des hommes et femmes à des sanctions pénales et en légiférant sur leur instruction dans la religion catholique apostolique et romaine, l’Édit royal reconnaissait avoir affaire à des être humains alors qu’il les traitait en même temps comme des biens relevant de la propriété.
*L’Édit a pour contexte la dissolution en 1674 de la Compagnie des Indes occidentales au profit d’une administration indirecte par la puissance royale. Il s’agit d’affirmer l’autorité du roi sur ces territoires.
*L’Édit de 1685 n’est pas la seule législation sur l’esclavage.
*L’Édit du Roi touchant la police de l’Amérique Françoise n’est plus en vigueur à l’heure actuelle. Le décret d’abolition de l’esclavage du 27 avril 1848 préparé par le décret du 4 mars auxquels on ajoutera les décrets gubernatoriaux locaux, notamment ceux de mai 1848 auxquels les esclaves ont contraint les gouverneurs ont rendu l’édit de 1685 et tout autre législation de l’esclavage de facto caduc.
CHRONOLOGIE
1681 : Décision de Colbert, secrétaire d’État à la Marine, de rédiger un code relatif aux esclaves.
1683 : Mémoires de l’intendant Patoulet et du gouverneur Blénac – Décès de Jean Baptiste Colbert, père. Son fils Jean-Baptiste Colbert Marquis de Seignelay lui succède.
1685 : Seignelay, le Tellier et le Roi achèvent l’édit sur les Iles de l’Amérique Françoise, plus tard surnommé Code noir.
1704 : Enregistrement de l’Édit à Cayenne.
1723 : L’Édit est applicable à Bourbon (La Réunion) et à l’Ile de France (Maurice).
1724 : L’Édit est applicable à la Louisiane. Il est actualisé par Jean-Frédéric Phélypeaux de Maurepas.
Fin XVIIIe : renforcement des mesures discriminatoires à l’égard des libres.
1793 : Abolition à Saint-Domingue.
1794 : Abolition de l’esclavage par la Convention.
1802 : Rétablissement de l’esclavage par Bonaparte, premier Consul de la République.
1803 : Les dispositions du «Code noir» sont intégrées au Code civil. L’égalité civile obtenue avec la Révolution et consolidée par Bonaparte est donc déniée à la majorité des populations coloniales, inaugurant ainsi le début d’une ère coloniale traversée par ce paradoxe métropole-colonies.
1848 : L’édit de 1685 est rendu caduc par l’abolition de l’esclavage.
La version présentée ici date du début du XVIIIe siècle. Elle est validée par le Conseil souverain de Saint-Domingue. Attention ! L’édit ne correspond pas à ce que vivaient réellement les esclaves mais à ce que la législation royale prévoyait pour eux. Considérant que l’esclavage était acceptable, cette législation prétendait en limiter les «abus (sic)».
Un pas de côté : Colbert (père) et la chiourmeLa chiourme : nom donné à l’ensemble des galériens.
Il serait malhonnête de considérer l’esclavage comme une pratique détachée de son époque. Au XVIIe, siècle, la société française est fondée sur une légitimité de l’inégalité. Personne ne prétend que les hommes seraient libres et égaux en droit. Les révoltes paysannes sont impitoyablement réprimés. La «race» noble méprise l’ignoble et les navires de Méditerranée utilisent l’énergie motrice des galériens. Face aux révoltes fiscales et à la contrebande de sel, Colbert incite les parlements à condamner les prévenus aux galères, afin de disposer de main d’œuvre pour la marine. Alors que l’intendant de Toulon vient d’acheter trois esclaves turcs, Colbert lui écrit :
Colbert à l’intendant de Toulon, 1669
« II n’y a rien de si important, pour le rétablissement de la chiourme, que d’avoir des Turcs pour y mêler; il faut, dès à présent, examiner les moyens de faire descentes en Barbarie1 pour faire des esclaves […] Prendre grand soin de la conservation des forçats, prendre garde que le pain et les fèves qu’on leur donne soient fort bons […] exercer votre charité envers ceux qui seront malades. »
Colbert à l’intendant des galères, 1669
« Quantité de gens expérimentés en fait de galères disent ici que votre chiourme ne peut être bonne, parce que vous donnez trop de liberté aux esclaves et que vous les nourrissez trop bien, d’autant qu’il n’y a rien de plus contraire à la bonté d’un esclave que la graisse et l’embonpoint. Vous devez y faire réflexion. »
Colbert, Lettres citées par Inès Murat, Colbert, Fayard, 1980, p. 278-279.
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