En 2010, l’Académie d’Amiens a organisé une série de rencontres autour de la littérature de l’imaginaire. Il serait aisé d’y voir une reconnaissance de fait de la Fantasy par l’Education Nationale comme un genre digne d’intérêt. Les intervenants, universitaires, à l’image de Anne Besson ou encore Myriam Tsimbidy, semblaient donner le poids nécessaire au sérieux d’un genre pourtant souvent décrié. En s’attardant de plus près sur le programme de cette journée, il est intéressant de noter que l’une des questions abordées « Pourquoi les adolescents en raffolent ? », compréhensible dans un cadre scolaire, renvoyait aussi à un archétype classique d’une Fantasy destinée aux plus jeunes.
Née au croisement des influences littéraires victoriennes et Pulp américaines des années 30 puis portée par Tolkien dans les années 1950 au point d’en faire, un peu rapidement, le modèle du genre, la Fantasy a longtemps souffert de la critique. Les années 2000 ont renversé la tendance après les prémices rôlistiques ou cinématographiques des années 1980, au point de submerger la sphère culturelle actuelle à grands coups de superproductions hollywoodiennes et de best-sellers soudainement capables de redonner envie de lire aux adolescents. La magie des aventures de Harry Potter de J. K. Rowling, ou des Twilight de Stephenie Meyer semblait devoir tout emporter.
Pour autant, réfléchir à l’intérêt de ce genre confronte à un premier écueil, et non des moindres ; qu’est-ce que la Fantasy ? Il est possible de se référer à deux spécialistes reconnus. Ainsi Terri Windling, dessinatrice, romancière et essayiste en fait : « un large champ de la littérature classique et contemporaine, celle qui contient des éléments magiques, fabuleux ou surréalistes, depuis les romans situés dans des mondes imaginaires, avec leurs racines dans les contes populaires et la mythologie, jusqu’aux histoires contemporaines de réalisme magique où les éléments de Fantasy sont utilisés comme des moyens métaphoriques afin d’éclairer le monde que nous connaissons. « . Quant à André-François Ruaud, il s’agit d’une « littérature qui se trouve dotée d’une dimension mythique et qui incorpore dans son récit un élément d’irrationnel au traitement non purement horrifique, notamment incarné par l’utilisation de la magie. »
En réalité, il n’existe pas de définition simple d’un concept anglo-saxon embrassant des champs si variés que la Fantasy se divise elle-même en High et Low Fantasy, puis en sous catégories allant de la Sword and Sorcery théorisée par Fritz Leiber au Bit-lit en passant par la Myth-Fantasy. Encore faut-il aussi questionner les supports car la littérature n’est plus un aspect exclusif du genre.
Afin de répondre au sujet, nous aborderons quatre questions en déclinant le plus de champs possibles, sans pour autant prétendre à l’exhaustivité. Faisant écho à l’une des questions abordées par la journée de l’Académie d’Amiens, nous nous interrogerons en liminaire sur le public visé par la Fantasy. Ce dernier semble chercher dans ce genre des éléments qui nous permettrons de discuter de leurs intérêts. Le monde de l’imaginaire semble par définition coupé de la réalité ; cette lapalissade méritera d’être affinée plus avant, afin d’ouvrir sur une approche plus strictement artistique des supports et productions.
À qui s’adresse la Fantasy ? La question semble appeler une réponse limpide. Une étude du Centre National du Livre, en collaboration avec Ipsos menée en Mars 2015 est catégorique. La Fantasy est un genre lut essentiellement par les jeunes à hauteur de 51% pour les 15-24 ans, dans une question qui lit Fantasy, Fantastique et Science-fiction, ce qui est en soit largement discutable. Pour autant, cette étude illustre une lecture de la Fantasy qui serait essentiellement jeune, sous la forme de BD et de romans et plutôt masculine. Les succès de Harry Potter ou des adaptations cinématographiques de Percy Jackson écrite par Rick Riordan, ou encore de l’oeuvre plus ancienne de C.S. Lewis autour du monde de Narnia, sont des illustrations éclatantes de la jeunesse du public. Quant à la masculinité de ce dernier, en le déplorant au Nouvel Obs en 2013, Marie Pavlenko ne disait rien d’autre : « Cependant, je crois que c’est vrai, une forme de misogynie tend à persister dans ce milieu. D’abord parce qu’une vieille garde majoritairement masculine a longtemps occupé le terrain. Ensuite parce que les modèles-type de la Fantasy sont plutôt Conan ou Aragorn. D’où l’idée encore prédominante de la toute-puissance du mâle-héros et, en face, de la femme-trophée« .
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