Ces 40 députés mécontents du sort fait à la loi de février 2005, traitant des «aspects positifs de la colonisation» estiment devoir faire subir le même sort à la loi Taubira disposant que «les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l’esclavage la place conséquente qu’ils méritent».

Alpes de Haute Provence Daniel SPAGNOU
Alpes-Maritimes Jean-Claude GUIBAL
Alpes-Maritimes Jérôme RIVIERE
Alpes-Maritimes Lionnel LUCA
Alpes-Maritimes Michèle TABAROT
Alpes-Maritimes Muriel MARLAND-MILITELLO
Bouches du Rhône Léon VACHET
Bouches-du-Rhône Bernard DEFLESSELLES
Bouches-du-Rhône Bruno GILLES
Bouches-du-Rhône Christian KERT
Bouches-du-Rhône Dominique TIAN
Bouches-du-Rhône Guy TEISSIER
Bouches-du-Rhône Maryse JOISSAINS-MASINI
Bouches-du-Rhône Richard MALLIÉ
Côte d’Or Jean-Marc NUDANT
Gironde Jean-Paul GARRAUD
Haute-Saône Maryvonne BRIOT
Hauts de Seine Philippe PEMEZEC
Hauts-de-Seine Jean-Jacques GUILLET
Hérault Jacques DOMERGUE
Hérault Paul-Henri CUGNENC
Indre et Loire Jean-Jacques DESCAMPS
Isère Jacques REMILLER
Loire Atlantique Christophe PRIOU
Lot Michel ROUMEGOUX
Meurthe et Moselle François GUILLAUME
Morbihan Loïc BOUVARD
Nord Christian VANNESTE
Nord Jean-Pierre DECOOL
Oise Olivier DASSAULT
Pyrénées-Orientales Arlette FRANCO
Pyrénées-Orientales Daniel MACH
Val de Marne Jacques-Alain BENISTI
Val de Marne Patrick BEAUDOUIN
Var Geneviève LEVY
Var Georges GINESTA
Var Josette PONS
Var Philippe VITEL
Vaucluse Thierry MARIANI
Yvelines Jacques MYARD


En admettant que ces députés soient sincères, il est évident qu’on ne peut faire un parallèle entre les deux lois. L’une fait référence au «rôle positif» d’un moment historique où la République coloniale estimait officiellement devoir civiliser des gens réputés «racialement» inférieurs et leur enseignait l’égalité tout en les maintenant dans un statut juridique effectivement inférieur. L’autre rappelle que l’esclavage, que la République considère aujourd’hui comme crime contre l’humanité, fait partie d’un récit national que nous assumons tous, quelles que soient nos origines.
Pour que le parallèle soit possible, il eût fallu que la loi de février disposât que la France reconnaissait qu’il n’est pas conforme à ses principes égalitaires de nier le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes en prétendant qu’ils sont français tout en déniant à la majorité une citoyenneté octroyée au compte-goutte à une minorité. On pouvait rédiger un tel texte tout en disant merci aux Harkis pour toutes les souffrances subies au service de la France. Il eût fallu ajouter pour les Pieds-noirs, que la France reconnaissait, comme pour les Harkis, n’avoir pas tout fait pour bien accueillir ses enfants sur le territoire national (tel qu’il était compris après 1962) et que, quel que soit le rôle historique des uns et des autres dans la domination des colonisés et dans l’exploitation des terres coloniales, la France admettait qu’une page était tournée. Quant à exalter la mise en valeur des territoires, c’eût été procéder à une falsification de l’histoire pour qu’elle cadre avec la mémoire familiale pied-noir. Or, il est avéré que, même si celle-ci a transmis en toute sincérité et en toute bonne foi l’idée que des terres algériennes laissées en friche avaient été mises en valeur par les colons, il est tout aussi vrai que ces même terres n’étaient en friches qu’entre le moment de l’expulsion des paysans arabes et berbères qui les exploitaient et celui du lotissement effectif des terres remises aux colons. Sur la qualité de l’exploitation des terres par les paysans arabes et berbères, il faut ici rappeler qu’au moment des disettes de la Révolution française, c’est le blé de la Mitidja (la plaine autour d’Alger) qui a nourri la France du Sud-Est (Marseille, Marignane, Vitrolles, Toulon, etc.;-) ) et les armées de Bonaparte en Italie. C’est, trente ans plus tard, en voulant se faire rembourser du blé prêté à la France révolutionnaire que le Dey d’Alger en vint à donner un coup d’éventail à l’ambassadeur de France, donnant prétexte au roi Charles X pour intervenir à Alger.
On peut dire tout cela en cours d’histoire sans pour autant jeter la pierre aux Pieds-noirs dont les ancêtres furent souvent victimes de déportation au XIXe siècle pour leurs participations à des journées révolutionnaires. Il s’agissait d’expulsion dans le cas des Alsaciens.
Pour ce qui est des considérations de Bouteflika sur la France, ces gesticulations sont à usage interne. L’absence de perspective du FLN, parti usé et corrompu, l’oblige à se draper dans son rôle historique et la critique de la France sert à cela. Ces paroles s’adressent aux Algériens, non aux Français. Les Algériens ne sont pas dupes. La junte argentine fit de même avec les Malouines. Saddam Hussein fit de même avec le Koweit. Quant à Charles X, c’est pour faire oublier aux Français sa politique intérieure, qu’il voulait faire diversion en envahissant la régence d’Alger.
Ceci étant, on ne peut que sourire du fait que la France ait eu, au moment de faire un voyage en Algérie en 2006, un ministre des Affaires étrangères justement embarrassé par le rôle qu’il a joué dans la promotion de la loi Mékachéra de février 2005.

DC